Nouvelles

Traiter plus de patients, plus rapidement

L’urgence et les unités de soins de l’Hôpital de Lachine du Centre universitaire de santé McGill gagnent en efficacité grâce à diverses mesures mises en place par des équipes fortement mobilisées

Le débordement des urgences des hôpitaux montréalais est, malheureusement, un fait bien connu. Les sources du problème sont multiples et complexes, et les solutions qui fonctionnent, trop rares. Or, à l’Hôpital de Lachine, le personnel a pris le taureau par les cornes et est en train de renverser la vapeur. Les patients demeurent moins longtemps sur les civières à l’urgence et ceux qui sont hospitalisés obtiennent leurs soins — et leur congé — plus rapidement. De plus, l’urgence accueille une centaine de patients de plus par mois arrivant par ambulance, ce qui contribue à diminuer la pression sur les autres urgences de la ville.

Mais comment a-t-on obtenu de tels résultats? « En fait, nous avons instauré une succession de petits changements, qui font chacun gagner un peu de temps », explique Firas Nassereddine, infirmier-chef et coordonnateur de l’urgence et de l’unité des soins intensifs à l’Hôpital de Lachine. « Et ça finit par en faire une grande différence. »

Ces « petits changements » n’ont pas été choisis au hasard, bien au contraire. Ils résultent d’un exercice d’analyse de diverses problématiques, auquel ont participé des représentants des différents services de l’hôpital, en collaboration avec la di­rection des services professionnels du CUSM, et avec l’apport de patients-partenaires.

Analyser les problèmes et revoir les processus

Qui dit révision des processus, dit examen détaillé des actions entreprises par les intervenants de tous les secteurs pour que s’active la chaîne de soins et de services au bénéfice du patient.

« Il y a près de deux ans, on a commencé à revoir les pro­cessus d’admission et de réorientation des patients à l’interne (entre différents services), ainsi que le temps requis pour une admission, le délai d’intervention des professionnels de soin et l’impact de ces délais sur le séjour des patients », dit Firas.

« On a aussi mis sur pied une rencontre journalière pour es­sayer de mieux gérer la journée », ajoute-t-il.

Puis, un comité multidisciplinaire chargé d’améliorer le flux des patients a été créé. Ce comité se rencontre une fois par mois. En plus de Firas, il réunit autour d’une même table le Dr Andrei Liveanu, médecin en chef de l’Hôpital, le Dr Sebastian Negrete, qui copréside le comité, des représentants des soins infirmiers et des services multidisciplinaires, ainsi que des patients partenaires.

Ce forum permet de mettre en commun les points de vue de chacun, de cibler les opportunités d’amélioration et de s’informer de la perception des patients qui ont choisi de participer au comité.

Instaurer une durée d’hospitalisation cible et favoriser un changement de culture

En comparant les statistiques de durée moyenne de séjour des patients (DMS) à celles d’autres hôpitaux et aux meilleures pra­tiques décrites dans la littérature, les équipes de Lachine ont décelé des écarts. Les hospitalisations semblaient durer plus longtemps que nécessaire. « Or, pour désengorger l’urgence, la problématique centrale était de réussir à augmenter le roule­ment sur les étages [dans les unités de soins] afin d’y envoyer plus rapidement les patients en attente de soins à l’urgence », dit Firas.

« On savait que l’urgence allait continuellement déborder si on n’était pas capable de faire rouler les étages, explique-t-il. Plus les étages débordent, plus les patients restent à l’urgence et plus ils sont hospitalisés longtemps quand ils obtiennent un lit. »

Cela est vrai particulièrement pour les patients âgés, qui for­ment une grande partie des patients de l’hôpital. « Pour chaque période de 24 heures passée par un aîné sur une civière, on calcule trois jours de rétablissement supplémentaires sur la durée d’hospitalisation, rappelle Firas. Et plus le temps passe, plus leur état est susceptible de se détériorer rapidement, parfois de façon irréversible. »

En vue de réduire les DMS, une durée d’hospitalisation cible a été déterminée pour chaque type de cas ou raison d’hospitalisation, en fonction des moyennes connues.

Ainsi, dès l’admission, une cible est attribuée au patient, en nombre de jours d’hospitalisation. Tous les spécialistes, les infirmières de liaison, les travailleurs sociaux, bref tous les intervenants connaissent la cible et font ce qui est en leur pouvoir pour en favoriser l’atteinte. Ils savent que cela est dans le meilleur intérêt du patient.

Évidemment, le patient est hospitalisé aussi longtemps qu’il en a besoin, peu importe la cible. Cette mesure incite le per­sonnel à coordonner les soins de façon optimale, pour éviter toute perte de temps.

« Nous avons sensibilisé le personnel aux conséquences néfastes que peuvent avoir les hospitalisations prolongées pour le patient, et chacun a vu les effets de ses propres efforts, explique Firas. C’est un changement de culture motivé par le mieux-être du patient qui est en train de s’opérer. »

 

Libérer des lits pour les patients

L’Hôpital de Lachine accueille de nombreux patients âgés en perte d’autonomie. Plusieurs d’entre eux n’ont plus besoin de soins actifs, mais demeurent à l’hôpital, faute de place en centre d’hébergement. Bien malgré eux, ces patients occupent des lits qui devraient être offerts à d’autres patients ayant besoin de soins.

L’expression « niveau de soins alternatif » (NSA) est utilisée pour désigner le statut de ces patients qui occupent un lit, mais qui ne nécessitent pas le niveau de services dispensés dans l’unité de soins où ils se trouvent. « À Lachine, avant qu’on se penche sur la problématique, une dizaine de lits étaient continuellement occu­pés par des patients de statut NSA », affirme Firas.

Ce nombre peut paraître petit, surtout quand on sait qu’il peut y en avoir près d’une cinquantaine à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. « Mais en proportion de la taille de l’hôpital, c’est énorme, dit Firas. Cela représente 50 % de nos lits, contre 10 ou 15 % à l’Hôpital général. »

« Cet état de fait a amené la direction du CUSM à faire une ges­tion plus globale des patient NSA, pour libérer davantage de lits à Lachine, et faire en sorte que davantage de patients provenant de l’urgence puissent être soignés, plus rapidement », explique Firas.

Ces changements ont permis à l’hôpital de gagner en efficience.

« Le roulement des patients est beaucoup plus rapide et nos ressources sont utilisées plus efficacement, dit Firas. Nous avons amélioré nos DMS tout en acceptant une centaine d’ambulances de plus par mois, et ce nombre est en voie d’augmenter encore. »